De l’antique au rock’n’roll Suite non logique de « Médée concert », « Please kill me » navigue entre rock et théâtre.
« Qu’est ce que le tragique aujourd’hui ? » La question que pose Mathieu Boisset est didactique ; sa réponse l’est moins : « Pour moi, le rock est ce qui s’en rapproche le plus, dans sa volonté de créer et détruire. » Avec « Médée Concert », il avait commencé à explorer cette démesure, créant une collision entre le texte de Sénèque et la rythmique pour trouver « le rapport entre la tragédie et le rock’n’roll ».
« Please Kill Me », c’est une étape suivante qui abandonne les écrits classiques et ajoute de la mélodie puisqu’un guitariste se greffe à la batterie. Pour se confronter à des textes de Matthieu Boisset, qui n’abandonne pas ses références récurrentes au théâtre antique : Bacchus, est convoqué à ce festin de mots nus où « il est question du corps et de la chair, quelque chose qui est de l’ordre de la transe. » Lou Reed et les auteurs grecs Pour le premier spectacle qu’il ait écrit sans faire « du pompage revendiqué » des auteurs grecs ou élisabéthains, Matthieu Boisset ne cherche pas la posture de l’auteur inspiré : « On n’invente pas le fil à couper le beurre. Tout a déjà été écrit. » Et il n’est pas avare de références pour le souligner : les Doors, Lou Reed, Dylan pour le rock, Gainsbourg pour sa manière de ne pas chanter : « Je fais du talk-over. Mais ce n’est pas de la musique d’accompagnement non plus. Tout concourt à développer l’imaginaire. » Et les auteurs grecs encore, dont les pièces comprenaient des parties chantées, ou Molière qui écrivait des comédies-ballets pour montrer qu’en créant une forme hybride, il suit des sentiers qu’il n’a pas tracés lui-même. Mais il ne les a pas empruntés au hasard : « J’aime aller chercher la racine des textes pour comprendre d’où l’on vient. Alors que dans le théâtre contemporain, on s’en éloigne. Et tant pis si je passe pour un ringard. » Alors il préfère garder du rock « cet aspect révolte qui me plaît » pour y poser des mots qui « ne constituent pas une dramaturgie narrative ». Pour créer un objet « qui n’est pas du théâtre musical ni un opéra rock ». Symbole de cet indéfinissable, « Médée Concert » avait été programmé au Krakatoa puis au TNBA. Un entre-deux qui plaît à Matthieu Boisset, metteur en scène de formation qui passe là sur scène en soulignant qu’il faudrait « tuer les metteurs en scène. » Bon, on attendra encore un peu.
Sud-ouest / Mai 2010