A ceux qu’on foule aux pieds

Peinture Léa Cornetti

Festival trente trente à Bordeaux, 26 janvier 2019, Halle des Chartrons (Bordeaux).

Avec Léa Cornetti : danse,
et Matthieu Boisset : voix.

Un texte de Victor Hugo, tiré de « L’année terrible« , l’année 1871, la Commune de Paris : ses enchantements, la puissance de l’engagement des citoyens, la force de leur imaginaire, et… les massacres.
Écrasement d’espoirs.

Alors comme dit Francis Bacon : « peindre le cri plutôt que l’horreur ». Ici en parlant, en musique, en dansant, à nous de porter un coup et un cri.

Durée : environ 7 minutes.

Presse : Inferno magazine, Yves Kafka.

« A ceux qu’on foule aux pieds », de Matthieu Boisset et Léa Cornetti fait résonner (sic) dans la Grande Halle des Chartrons la colère de Victor Hugo, réfugié en 1871 au Luxembourg d’où il rédige « L’année terrible », poème au souffle épique traversé de part en part par l’onde de l’indignation ressentie face au massacre des Communards vaincus. Et même si l’homme de lettres a pu naguère condamner certains excès de la Commune, il lance là un appel vibrant à la mansuétude vis-à-vis des insurgés : s’ils peuvent être parfois victimes de « cécité », c’est toujours sous l’effet de « l’aveuglement » mortifère des dominants refusant de « leur donner leur part de la cité ». Aussi le poète, meurtri au plus profond de ses convictions humanistes par l’injustice faite aux déshérités, ouvre-t-il grand sa porte, celle de son cœur et de sa maison, à tous les opprimés… Léa Cornetti au premier plan, telle une Pythie plus vraie que nature rendant l’oracle d’Apollon sous l’effet d’un seau d’eau versé sur sa tête, est secouée par d’irrépressibles et incessants tressaillements vertigineux, alors que derrière elle, sur les échos des percussions des Tambours du Bronx, Matthieu Boisset micro en main et vêtu de noir en rocker à jamais révolté prend en charge les mots de l’oracle hugolien pour les projeter sur le public massé à ses pieds. Si l’exacerbation inscrite dans le texte originel est en écho brûlant avec l’actualité, elle l’est tout autant avec la colère à fleur de peau de celui qui s’en est saisi pour dire la sienne : « Je suis le compagnon de la calamité / Je veux être – je prends cette part, la meilleure / L’homme des accablés et des abandonnés ». C’est là peut-être qu’il eût fallu distancier plus « sensiblement » le cri pour qu’il puisse devenir encore et toujours nôtre.

Une production DIES IRAE et VITA NOVA